Un anniversaire un peu spécial • Eden

Allistair se regarda pour la énième fois dans la glace de sa salle de bain. Sa coupe de cheveux ne ressemblait à rien, comme d’habitude. S’il avait meilleur mine que ces dernières jours, il n’était pas non plus resplendissant de santé. Il s’était habillé sobrement et en noir, ce qui lui donnait un côté employé des pompes funèbres. Pour donner bonne impression, ce n’était pas vraiment ça. Mais il n’avait plus le temps de changer quoi que ce soit ou il allait être en retard à son rendez-vous.

Oui, Allistair avait rendez-vous ! Comme quoi, sa vie sociale ne se réduisait pas au néant. Et surtout, c’était la première fois qu’il allait rencontrer cette personne. Et pour une fois, il en avait quelque chose à faire de ce qu’on pensait de lui. Cette personne, c’était Eden. Il la connaissait depuis qu’il était gamin. Enfin, connaître … Autant qu’on peu connaître quelqu’un en ne correspondant avec lui que par lettres. C’était encore une histoire de hasard. Leurs mères à tous les deux se connaissaient depuis très longtemps. Quand Eden et sa famille avaient déménagé aux Etats-Unis, les deux femmes n’avaient pas voulu perdre le contact et elles avaient même impliqué leurs enfants dans cette correspondance. Trente ans plus tard, il se trouvait qu’ils habitaient la même ville. Alors pour fêter dignement cet événement, il était grand temps qu’ils se rencontrent.

Pour ce premier contact, il lui avait donné rendez-vous au Bohemian Cafe. A vrai dire, il aurait bien choisi le pub irlandais qu’il affectionnait temps, mais il avait trop peur de passer pour un alcoolique. Et au moins, là-bas, personne ne le connaissait. Il s’installa en terrasse, profitant du grand soleil. Ses doigts tambourinaient nerveusement sur la table. Il avait peur de ne pas correspondre à l’image qu’elle s’était faite de lui. C’était un peu bête, mais il ne pouvait s’empêcher d’éprouver cette angoisse. Elle était celle qui le connaissait le mieux. Dans ses lettres, il lui avait toujours parlé sans artifice, lui montrant le lui véritable, l’Allistair pas très courageux, un peu maladroit mais pas méchant et qui veut bien faire …

Un anniversaire un peu spécial

J’étais en retard. Oh, pas de beaucoup mais en retard quand même. N’allez pas croire que j’avais passé du temps à me préparer, je n’étais pas ce genre de personne. Mais ma petite sœur avait encore fait des siennes en me volant la veste que je voulais mettre aujourd’hui et j’avais dû aller la chercher chez une amie en lui passant un savon dont elle se rappellerait certainement toute sa vie. Quelle idée aussi de voler un inspecteur de la gendarmerie royale? Elle devait bien se douter que je découvrirais rapidement qui avait osé prendre ma veste favorite, surtout que je l’avais entendu grommeler toute la journée le jour où je l’avais acheté. Elle n’avait pas arrêté de se plaindre que j’avais pris la dernière et qu’elle avait demandé à la vendeuse de la lui mettre de côté. Alors quand cette veste disparaissait, je savais où chercher. J’avais toujours détesté que ma petite sœur me vole mes affaires sans me demander. C’était un manque de respect impressionnant envers ma personne. Mais comme je savais que cette dernière ne m’aimait pas du tout, je n’étais pas étonnée. Elle pensait que je ne savais pas mais cela se voyait gros comme une maison qu’elle nous détestait avec mon frère. En tout cas, avec toute cette histoire, j’arrivais au Bohemian Cafe avec cinq bonnes minutes de retard. J’allais enfin rencontrer Allistair, le fils d’une amie à ma mère avec qui je correspondais par lettre depuis aussi longtemps que je m’en souvenais. Le jeune homme s’était confié à moi et je n’avais pas hésité à en faire autant, lui parlant de tout ce que j’avais vécu jusqu’à aujourd’hui. Les moqueries de mes camarades, ma tentative de suicide et même mon viol. Il savait tout de moi sauf pour ce qui concernait ma naissance en Irlande. Il savait juste que j’avais été adopté à l’âge de six mois par les McOflyn. Il n’y avait pas longtemps que j’avais découvert la vérité sur les conditions de mon adoption et j’étais encore légèrement sous le choc de cette histoire. En tout cas, je m’étais enfin garée pas trop loin du café où nous avions rendez-vous et je courus légèrement pour rejoindre Allistair. Je l’aperçus rapidement sur la terrasse et je me dirigeais vers lui. Comment je savais que c’était lui? Une intuition. Il tapait nerveusement des doigts sur la table et puis, nous avions échangé des photos quand nous étions enfants. Il n’avait pas tant changé que cela. « Salut Allistair. Cela me fait plaisir d’enfin te rencontrer. Depuis le temps qu’on s’écrit. »

crackle bones

Elle était en retard. De pas beaucoup, certes, mais quand même. En temps normal, il se serait juste agacé, pestant contre ce manque de respect. Mais là, la seule question qui tournait dans sa tête était : et si elle ne venait pas ? Et si elle lui posait un lapin ? Et si elle se disait que c’était mieux qu’ils s’en tiennent à cette relation épistolaire ? Et si … Il préférait ne pas réfléchir trop. Avec des si, on mettrait Paris en bouteille …

Et il la vit. Il sut que c’était elle. Elle n’avait pas vraiment changé depuis les photos qu’elle lui avait envoyées. Il resta un moment sans rien faire. Cela faisait toujours bizarre de rencontrer quelqu’un qu’on connaissait mais qu’on n’avait jamais vu. Il reprit enfin ses esprits et se leva.

« Salut. »

Que devait-il faire ? Se contenter d’un salut ? La prendre dans ses bras ? lui faire la bise ? Il allait avoir du mal à savoir comment réagir au début. Alors pour cette première rencontre, il préféra rester simple. Il avança en boitant et la prit doucement dans ses bras, d’une étreinte brève. Il retourna ensuite à sa place et l’invita à s’asseoir.

Il ne savait pas quoi dire, ni par où commencer. Il était d’ordinaire assez peu loquace, mais parce qu’il ne voulait pas parler. Or là, il avait envie d’échanger avec elle, de voir si la complicité qu’il avait ressenti dans leurs lettres n’était que le fruit de son imagination ou la réalité.

« Je t’avouerai que ça me fait un peu bizarre de te voir, là, comme ça. C’était tellement improbable qu’on se retrouve dans la même ville. »

Et qu’il ait le courage de la rencontrer. La serveuse vint prendre leur commande. Allistair choisit un chocolat chaud. Avoir quelque chose entre les mains allaient l’occuper et l’empêcher de tambouriner trop longtemps la pauvre table. Une fois la commande prise intégralement, ils se retrouvèrent de nouveau que tous les deux.

« Mais-mais ça me fait aussi très plaisir ! Parce que finalement, tu es la seule personne qui me connais depuis aussi longtemps, exceptés mes parents. »

Elle était au courant de tout, elle l’avait suivi dans toutes les étapes de sa vie … Il se demandait d’ailleurs comment elle faisait pour ne pas avoir une mauvaise opinion de lui. Il avait quand même réussi à abandonner les deux femmes de sa vie …

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