Mes chaussures foulaient le sol dans un rythme régulier. La musique dans les oreilles, je me concentrais sur ma respiration. Cela faisait déjà une demi- heure que je courais découvrant Kelowna aux petites lueurs du jour. Je m’étais réveillée vers quatre heures du matin terrassée par des souvenirs profonds. La course à pieds et mon boulot étaient les seules choses qui me permettaient de vider complètement mon esprit. En courant, je ne pensais à rien. Etant restée une longue période à l’hôpital, je n’avais plus la force de faire du sport et ce jour-là je ressentais encore les conséquences de mon alitement.
Regagnant ma maison, je diminuais mes foulées puis marchais pour récupérer. Prenant une douche rapide, j’avais hésité un long moment devant ma garde robe et avais finalement opté pour une petite robe noire à manches courtes accompagné de ballerines. Brossant mes cheveux, je les avais finalement noué en un chignon strict, avais enfilé ma blouse de médecin et m’étais rendue à l’hôpital pour entamer mon service. Le Vendredi je ne travaillais que la matinée. Le service des urgences était toujours plein à craquer et j’enchaînais littéralement les patients. Vers 13heures 30 , alors que ma garde prenait fin, j’avais avalé une pomme en vitesse puis m’étais rendue à la crèche récupérer Ailis.
Tsss…Tss…Tss. Le vibreur de mon téléphone me fit sursauter alors que j’étais en train d’attacher cette dernière dans son siège auto. –Maman-. Manquez plus que ça ! Cela faisait des siècles que je n’avais pas eu de nouvelles ma mégère de mère… « Oui Mère ? Déclarais-je en décrochant ». « Gracie chérie. Comment vas-tu ? ». Comme si cela l’intéressait. Ma mère ne vivait que pour l’argent. J’avais été élevé par des nounous diverses et à l’âge de 6 ans, elle m’avait placé en pension. « Très bien et vous ? » « Fort bien, je reviens d’un superbe voyage en Martinique. Et ma petite fille comment va-t-elle ? » « Bien également » « Je suppose que tu es toujours avec ton roturier ». Elle faisait allusion à Allistair et je n’avais pas envie de lui dire que nous étions en instance de divorce, cela l’aurait trop réjoui. « Toujours. Bon, mère, je suis occupée, puis-je savoir la raison de votre appel ? » « Tu es toujours à Kelowna ? » « Effectivement » « C’est parfait ! Vois-tu j’ai été invité pour un gala de charité pour les personnes atteintes de cancer à Kelowna. Est-ce que tu aurais l’amabilité de t’y rendre à ma place ? » « Je n’ai pas vraiment le temps, mère » « J’ai déjà dit que tu y serais ! Il est de ton devoir de représenter la famille Burton. En plus les cancers ça t'intéresse non ? D’ailleurs je t’ai pris un rendez-vous chez l’esthéticienne à 14h15, je t’envoie l’adresse par mail , une robe te sera envoyée chez toi ainsi que l’invitation. S’il te plait Gracie, sois gentille. Bon je te laisse » Bip…Bip..Bip… Elle avait raccroché. Je détestais ce genre d’événements organisés par les amis de ma mère. Même si de l’argent était versé à des associations, je savais pertinemment que les personnes présentes à ces soirées s’en fichaient royalement de la cause qu’il défendait.
Mon portable vibra à nouveau et l’adresse d’une esthéticienne me fut transmise. Hésitant, je décidais finalement de m’y rendre. Après tout, ça serait un excellent moyen de me changer les idées. En attendant dans le cabinet d’esthétique, j’occupais Ailis en lui lisant son livre préféré : l’histoire d’un ours qui cherchait un pot de miel. « Bonjour! Je m'appelle Alexandra et je vais m'occuper de vous. » Lorsque je levais les yeux, je reconnus automatiquement Alexandra. Il s’agissait d’une de mes patientes. Il était rare, en tant que médecin urgentiste, que j’ai des patients attitrés mais j’avais été touchée par Alexandra et j’avais décidé de suivre moi-même son traitement. . Je lui souris poliment. J’étais plutôt étonnée qu’Alexandra continue de travailler, la chimiothérapie était une vraie plaie qui épuisait facilement. Mais en même temps, je comprenais parfaitement qu’elle préfère continuer. Avoir un cancer et être complètement isolée ne faisait pas bon ménage. Je me retins de lui poser des questions, si elle avait des vomissements, des étourdissements. Comment se passait les séances de chimio. Je la suivis, tenant Ailis par la main, qui sage comme une image, s’installa sur une chaise et regarda la jeune femme émerveillée. Elle adorait le maquillage. Retirant ma veste, je m’installais sur le siège en face d’Alexandra. « Dites-moi qu'elle type de maquillage vous voulez? « Je n’en ai aucune idée, répondis-je. Je vous fais confiance. Plutôt un maquillage de soirée étant donné que je me rends à un gala de charité en faveur de la lutte contre le cancer ». Merde ! Je me mordis la lèvre. Je n’en manquais vraiment pas une. « Désolée… ». Pour un médecin j’étais vraiment une gourde quand je m’y mettais.