(Shay Mitchell) - La vie, ça n'est pas attendre que les orages passent, c'est apprendre à danser sous la pluie.

Parlez-nous un peu de vous, Jule …
Parler de moi ? Si vous voulez. Vous voudriez savoir quoi en particulier ?

Votre histoire, tout simplement. Qui vous êtes, d'où vous venez, pourquoi vous êtes ici.
Je suis née à Kelowna un 4 juillet, il y a maintenant 25 ans. Née d'un père pompier et d'une mère institutrice, je suis la petite dernière d'une fratrie de cinq enfants. D'ailleurs, je suis la seule fille de la famille.

Grande famille donc.
Oui. On s'entend tous très bien. Certes, il nous arrive de nous chamailler et ce depuis notre enfance mais cela reste bonne enfant. Il y a eu aussi quelques engueulades mais on s'est toujours rabiboché. Chez nous, la famille, c'est sacré.

Ça semble idyllique.
Ça l'était et même encore maintenant. J'ai passé des moments plus que parfaits. J'ai eu une enfance heureuse.

Vous allez pas me dire que vous n'avez pas souffert.
Malheureusement, si. Comme tout le monde. Enfin, vous comprenez ce que je veux dire. Les enfants peuvent être désagréables entre eux. Et en grandissant, ce n'est pas mieux. L'adolescence a été peut-être la pire période de ma vie.

Racontez-nous.
A mon entrée au lycée, j'ai pris conscience de mon homosexualité. C'était un passage nécessaire et il m'a fallu plusieurs mois pour l'avouer.  D'abord à ma famille, puis à mes amis.

Comment l'ont-ils pris ?
Avec ma famille, tout s'est très bien passé. Il faut dire que mon frère aîné, Glen, – le plus vieux – l'est aussi. Donc je savais déjà que mon coming-out se déroulait dans de bonnes conditions.

Et avec vos amis ?
C'est là que ça s'est compliqué. On pense, qu'à notre époque, que les mentalités ont changés, surtout chez les jeunes. En réalité, pas vraiment. Seuls mes meilleurs amis sont restés.

Vous étiez quelqu'un de populaire. J'imagine que cela a fait le tour du lycée très rapidement.
Chef de file des cheerleaders et de l'équipe de natation, j'avais, il est vrai, une certaine notoriété. La plupart de mes amis m'ont tournés le dos à l'annonce de mon homosexualité. Sans rien dire. On croit connaître les gens mais au final, on ne connaît rien d'eux. Heureusement, ce n'était pas tous les élèves mais quelques-uns. On ne peut pas leur en vouloir. C'est l'éducation des parents qui est en cause.

C'est assez dur ce que vous dites là.
Et pourtant, c'est la triste réalité. Si les parents ont un esprit plutôt fermé, ne demandez pas à leurs enfants d'être le contraire. Certains ont eu des propos assez virulents à mon égard et contre ma famille.

On m'a rapporté qu'un incident a été déclenché par un de vos frères suite à une insulte que vous aviez reçue.
C'est vrai. A l'époque, nous étions en dernière année et Tyler, mon jumeau, n'a pas supporté cette phrase, ce jour-là. C'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Une bagarre s'en est suivi. J'ai fait comme j'ai pu pour les séparer et je me suis retrouvée, trente minutes plus tard, à l'infirmerie avec une poche de glace sur l’œil gauche. Les deux bagarreurs ont été convoqués chez le proviseur et ont été exclus pendant une semaine.

C'est à cette époque, à l'infirmerie, que vous avez rencontré Eleonor, c'est ça ?
Oui. Elle n'était pas très bien ce jour-là et attendait ses parents pour rentrer chez elle. On a discuté, en attendant nos parents. Le courant est passé et on ne s'est plus quittée.

Et vos parents, qu'ont-ils pensé de cette altercation ?
Sur le fond, ils étaient compréhensifs. Se battre pour l'honneur de la famille, c'était quelque chose qu'ils nous avaient inculqués depuis notre enfance. Par contre, sur la forme, ils n'ont pas aimé. Tyler a été puni, comme un gosse l'aurait été pour une de ses bêtises.

Vous êtes une famille très soudée et très protectrice les uns envers les autres.
C'est vrai. C'est assez extraordinaire.

Vous semblez heureuse.
Je le suis. J'ai une famille géniale et un métier que j'aime.

En parlant de votre métier, qu'en pensent votre famille ?
Mon père est aux anges. Dans notre fratrie, je suis la deuxième à faire partie de l'équipe. Neal et moi. Par contre, ma mère panique au moindre passage de pompiers (Rire)

A ce point ?
Totalement. Même si j'ai une relation quasi fusionnelle avec mon père et Neal, je passe beaucoup de temps avec ma mère. On a nos petits moments entre filles, qui sont juste exquis. Elle n'a pas vraiment compris mon choix de carrière parce que je n'en avais jamais parlé avant d'entrer en formation mais elle a dû faire avec. Aujourd'hui, elle a accepté.

Qu'en pense Eleonor de tout ça ?
Elle a accepté dès le départ. Nous étions ensemble depuis six mois quand nous avons eu nos diplômes et elle a été la première à le savoir. Elle n'ose pas me l'avouer mais je sais qu'elle peut être nerveuse à certains moments.

Vous avez donc rejoint les pompiers après votre diplôme. Pourquoi ?
Parce que je ne me voyais pas faire autre chose. Sauver la vie des gens, c'est ma passion.

Vous auriez pu devenir médecin ou infirmière ?
Cela voulait dire faire des études. Je voulais aider les gens le plus tôt possible. Les pompiers proposaient quelques mois de formation avant d'entrer dans la vie active. C'est ce qu'il me fallait. Je n'étais pas une férue de cours donc cela me semblait logique.

C'est tout à votre honneur. Une dernière question et je vous laisserais retourner à vos occupations : où en êtes-vous aujourd'hui ?
Ellie et moi sommes mariées depuis un an maintenant et vivons ensemble depuis deux ans. Nous avons déménagé il y a peu puisque Tyler, mon jumeau, a emménagé avec nous. Comme nous avons le même âge – ce qui est normal pour des jumeaux – nous avons partagé beaucoup de choses, plus qu'avec les autres. Donc cette colocation était évidente pour nous.

Merci beaucoup pour cette interview.
Merci à vous.