Et si on discutait ? • Alexys

Allistair se faisait doucement à la vie de père célibataire. Il avait retrouvé toutes ses mauvaises habitudes. Son appartement était dans un bordel monstre, la vaisselle s’empilait dans l’évier, la table à manger était recouverte de livres et de copies à corriger, son frigo ne contenait que des aliments classés dans « cochonneries ». Heureusement, quand sa fille venait, il faisait un effort et l’appartement redevenait convenable. Mais une fois Ailis partit, c’était de nouveau Tchernobyl. Au boulot aussi, il avait repris ses vieilles habitudes. Si la présence de Grace avait eu tendance à apaiser son caractère irascible, il était redevenu l’enfoiré de service. Aucun de ses étudiants ne semblait l’apprécier et cela l’arrangeait grandement. Comme ça, on lui foutait la paix et on laissait sa vie privée de côté. Le soir, il avait souvent le cafard et plutôt que de rentrer dans son chez lui minuscule, il allait plutôt traîner au bar irlandais du coin. On peut le dire : il avait une vie un peu merdique.

Enfin. Dès qu’il était en présence d’Ailis, il retrouvait un semblant de bonne humeur. La petite avait une énergie impressionnante. Elle parlait et bougeait tout le temps. En temps normal, chez un autre môme, Allistair aurait trouvé ça horriblement horripilant. Là, c’était de sa fille qu’on parlait, et il trouvait ça juste tellement mignon. Il faut dire qu’il n’avait pas à se plaindre. La gamine était bien élevée, polie, elle ne pleurait presque jamais, elle passait son temps à rire et elle ne restait pas coller à ses parents. Finalement, sa relation avec Grace avait au moins donné une bonne chose …

Ce jour-là, Allistair emmenait Ailis chez sa marraine, pour qu’elle y passe l’après-midi. Grace était de garde et lui-même avait un colloque à préparer, si bien qu’avec Ailis dans les pattes, ça aurait été difficile de travailler. Comme Alexys était toujours heureuse de recevoir sa filleule, il s’était arrangé avec elle, malgré que ce ne soit pas son jour habituel. Comme il faisait beau, la fille et le père y allèrent en marchant. Une fois arrivés dans l’immeuble, elle ne put s’empêcher de se précipiter pour monter les étages quatre à quatre, en se moquant de son père qui se trainait. Lui, d’ordinaire très susceptible dès qu’on faisait allusion à son handicap, souriait tendrement. La petite fille martelait la porte en appelant sa marraine à tue-tête tandis qu’Allistair tentait de reprendre son souffle tant bien que mal. Dieu, que c’est fatiguant un enfant !